Dernière minute ...

Sorry, good game…
Par notre correspondant en Patagonie, Jérémie Noël
Hôtel Explora, Parc Torres del Paine, Chili
Le 15 mars 2010

C’est par ces quelques mots que Claire N. a commenté, sobrement, sa victoire.
Pour ceux qui ne le sauraient pas, les Claire (N. et B.) se disputent depuis quelques années l’honneur immense d’être celle qui aura nagé, sans combinaison, dans les eaux les plus froides de la planète. C’est ce qu’on pourrait appeler « l’expérience Titanic ». A Noël 2009, Claire B. avait frappé un grand coup en se baignant avec témérité dans les eaux de l’océan Arctique à 9°C, près du Cap en Afrique du Sud, dans le même endroit qu’avait dédaigné Claire N. quelques années plus tôt. Ceux qui pensaient cette victoire définitive en sont pour leurs frais.
Revenons plutôt sur les circonstances de l’exploit.
Nous sommes sur le ponton de l’Explora, hôtel de luxe situé en Patagonie chilienne, dans le parc national des Torres del Paine. Il est 18h27 et notre championne est entourée de ses assesseurs, Laeti et Jérem, qui assureront l’homologation du record. L’eau du Lac Pehoé est alimentée par le glacier Grey, quelques kilomètres en amont. Elle est à 5°C.
A quelques secondes de mettre fin à cette interminable rivalité, Claire N. est sereine, concentrée sur son objectif. Elle laisse tomber sa serviette, descend les deux premières marches de l’échelle, respire un bon coup… sa détermination est inébranlable. Et puis, simplement, elle se laisse glisser dans l’eau gelée et, saisie, laisse échapper des petits cris, tant d’encouragement que de victoire.


Le temps de quelques brasses, et elle ressort, retrouvant avec bonheur sa serviette. Elle répètera cet exploit (imitée d’ailleurs par ses assesseurs)


trois fois, augmentant chaque fois la durée d’immersion (jusqu’à 20 brasses).


5°C, rendez-vous compte… Plus froid ne parait pas possible sans mettre sérieusement en danger la santé des participants. C’est donc une rivalité qui nous aura tous tenus en haleine qui s’achève aujourd’hui et qui aura demandé abnégation, courage, inconscience parfois, mais aussi, reconnaissons-le, la capacité à saisir les occasions qui se présentaient.
« Sorry, good game… » Certes, elles sont terribles ces paroles prononcées par la Claire victorieuse. Elles dénotent bien sûr le sarcasme légitime que le vainqueur adresse à son vaincu mais aussi une pointe de regret, un sentiment de vide maintenant que le match est terminé. C’est une sorte d’hommage à une adversaire valeureuse qui se sera battue jusqu’au bout. Claire N. était trop forte. Voilà tout.

Une fois de plus, et je vous laisse le dire en cœur… on a encore bien cru qu’on allait tous y rester.